Une voie vers une industrie de la mode favorable à la nature
La nature est notre système de survie – nos sociétés et activités économiques dépendent d’elle. Cependant, la biodiversité, composante vivante de la nature, diminue à un rythme sans précédent en raison de l’activité humaine. Un million d’espèces végétales et animales sur huit millions, selon les estimations, sont menacées d’extinction.
Il existe néanmoins des solutions pour inverser cette tendance : la signature de l’accord historique du Global Biodiversity Framework par les États lors de la Convention sur la diversité biologique (COP15) en 2022 pourrait contribuer à mettre fin à ce que le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a qualifié de « guerre insensée et suicidaire contre la nature ».
Il est évident que le succès de cette initiative dépendra de notre capacité à repenser les différents secteurs d’activité, y compris celui de la mode, de façon à ce qu’ils aient un impact net positif pour la nature.
Le changement climatique et la détérioration des écosystèmes naturels sont deux facettes d’une même réalité. Pourtant, même si de nombreux acteurs de l’industrie de la mode ont pris un premier train de mesures importantes pour faire face à la crise climatique, les actions visant à lutter contre la perte de la biodiversité ont pris du retard. Souvent, ce retard n’est pas dû à un manque de sensibilisation, mais à un manque de compréhension, tant des problèmes que des solutions qui existent.
« Sans nature, l’objectif de neutralité carbone n’est pas atteignable. Et la nature décline rapidement. L’industrie de la mode dépend fondamentalement des écosystèmes naturels, pour les matières premières qu’elle emploie et l’ensemble de ses opérations. Comprendre les impacts environnementaux de l’industrie et permettre aux entreprises d’adopter des stratégies concrètes et mesurables en faveur de la nature sont deux premières étapes essentielles pour changer notre système. » – Eva von Alvensleben, Directrice exécutive et Secrétaire générale du Fashion Pact.
La détérioration des milieux naturels représente un défi complexe qui ne peut être résolu que par un changement de système. Pourtant, de nombreuses marques et détaillants peinent à comprendre leur rôle dans ce changement. Certains se retrouvent piégés dans une paralysie d’analyse, d’autres tentent de résoudre le défi sur tant de fronts qu’ils ne parviennent à avoir un impact significatif sur aucun. Avec le risque que leurs efforts soient considérés comme du greenwashing, et que les clients, collaborateurs, pairs et décideurs politiques deviennent de plus en plus frustrés, voire désengagés.
La mode dépend fortement de la biodiversité et de la nature, de l’approvisionnement en produits naturels comme le coton, le cuir animal et les matériaux nouveaux ou innovants comme le cuir mycélium, le chanvre et le bambou, jusqu’à l’eau propre et à des sols en bonne santé. Au cours des dix prochaines années, les changements environnementaux redéfiniront les avantages concurrentiels des entreprises, des investisseurs et des pays. L’accès à l’eau, à l’énergie, aux terres et à l’alimentation feront muter ces avantages. L’évolution des comportements et des préférences des consommateurs obligera les entreprises à considérer à la fois l’impact de ces nouvelles tendances sur la demande et la manière dont leurs actions pourront favoriser un modèle économique plus circulaire, qui soutiendra la demande de produits positifs pour la nature. Pour s’assurer longévité et résilience, les entreprises doivent changer leur vision de la création de valeur et leurs modèles économiques.
Face à ces défis, The Fashion Pact et Conservation International, grâce au financement du Fonds pour l’Environnement Mondial, se sont associés au Cambridge Institute for Sustainable Leadership (CISL) pour élaborer une feuille de route sur la biodiversité destinée aux acteurs de la mode, du textile et de l’habillement. La feuille de route expose un certain nombre de questions auxquelles ces acteurs sont confrontés, ainsi que les outils pour les aider à y répondre dans le cadre du projet Transforming the Fashion Sector with Nature qui s’est déroulé sur deux années.
Le progrès vers une industrie de la mode respectueuse de la nature consiste en premier lieu, pour toute organisation, à comprendre où elle en est aujourd’hui.
Pour cela, elle doit prendre en compte ce qui suit :
- La prise de conscience et la connaissance de la biodiversité et de ses liens avec le changement climatique et le bien-être social
- La compréhension des outils et cadres existants ou en cours d’élaboration
- L’état d’avancement de l’élaboration de la stratégie en matière de biodiversité, y compris la clarté des objectifs et les types de projets en faveur des milieux naturels dans lesquels l’entreprise est engagée
- L’ancrage culturel des enjeux environnementaux à tous les niveaux de l’entreprise, notamment l’adhésion et le soutien des dirigeants, ainsi que l’intérêt et l’engagement des collaborateurs en interne
- La prise de conscience de l’évolution des réglementations et des politiques (par exemple la loi européenne sur la restauration de la nature, la directive sur les rapports de développement durable des entreprises).
Ce n’est qu’une fois qu’elle sait clairement où elle en est aujourd’hui qu’une entreprise peut identifier les prochaines mesures qui auront le plus d’impact. La feuille de route définit cinq étapes clés pour aider les entreprises à suivre la voie vers un avenir positif pour la nature, dela compréhension des enjeux en interne jusqu’au suivi, au reporting et à la communication de l’impact positif. À chaque étape, sont présentés les outils et les ressources développés dans le cadre de notre projet Transforming the Fashion Sector with Nature qui peuvent leur être utiles.
« Au milieu d’une telle crise écologique, il est vital pour les entreprises de s’orienter vers des modèles économiques régénérateurs qui valorisent, protègent et restaurent la nature. Il est temps que l’industrie de la mode, du textile et de l’habillement joue son rôle dans la création d’une économie respectueuse de la nature. Les dirigeants et les entreprises qui agiront sans tarder en récolteront les bénéfices, tout comme leurs investisseurs. » – Paul Polman, Business Leader, Co-fondateur & et Co-président du Fashion Pact.
La création d’une industrie de la mode à impact net positif pour la nature nécessitera des efforts continus. L’impact d’une entreprise sur les milieux naturels évoluera avec le temps, tout comme la réponse de la nature à ces impacts. Les entreprises au premier plan continueront de réagir à ces changements, en révisant et en améliorant leurs stratégies.
Cette feuille de route doit être considérée dans le contexte plus large des nouveaux objectifs définis, de l’évolution de la réglementation et de la capacité des entreprises à diriger un changement stratégique en interne – grâce à un leadership novateur, des collaborateurs responsabilisés et une culture qui soutient l’innovation et les idées.